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Un chien abattu à la gare du Nord hier

11 Mai 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

Hier, alors que deux policiers se livraient au contrôle d'un vigile gare du Nord à Paris, au niveau du quai 41, le chien de ce dernier s'est jeté sur l'un d'entre eux, puis semble-t-il sur le second, et, comme celui-ci tentait de tirer sur l'animal, après la première détonation le chien prit l'escalier, continuant de mordre des gens au passage, puis à l'étage il menaça à nouveau un agent de police (une femme) qui dégaina son arme de service et le tua.

 

L'incident a provoqué un certain nombre de commentaires, notamment dans les pages Internet du journal conservateur  Le Figaro. Dans les conflits de voisinage autour d'un arbre mal placé qui voue à l'ombre éternelle (à la vermine, aux feuilles mortes etc) la maison située à proximité, des débats féroces opposent les tenants des droits de la végétation à ceux du droit des êtres humains à vivre sans nuisances. De la même manière les amis des animaux se sont cette fois-ci opposés aux amis des enfants et des passants sans défense (ainsi qu'aux amis de la force publique, bizarrement suspectée ici d'avoir fait du zèle alors qu'elle a semble-t-il plutôt fait preuve de retenue, se laissant abondamment mordre avant d'abattre le contrevenant quadrupède). Un vague consensus sous-tend cependant cette opposition acerbe : le fait que beaucoup de vigiles (souvent de pauvres gens qui habitent des banlieues lointaines) éduquent mal leur chien, les violentent à outrance, et leur inculquent ainsi une agressivité disproportionnée. Certains suspectent même le vigile d'avoir volontairement lâché son chien contre les policiers, "parce qu'il avait quelque chose à se reprocher".

 

Nous voici encore dans un cas de figure où le domaine des animaux domestiques porte les fantasmes (les espoirs, les culpabilités) que l'humanité projète sur eux, et parfois prend le relais pour le meilleur et pour le pire de ce que l'humain ne peut plus faire. Dans une humanité où l'instinct de meurtre a sensiblement diminué au cours des siècles (ou du moins dont le passage à l'acte s'est atténué, y compris dans le cadre des guerres - je vous renvoie là dessus au dernier livre de Steven Pinker), la question du degré de tolérance à l'égard de la violence des animaux, aussi bien que de la violence exercée sur eux, prend une tournure nouvelle. Une des questions qui se posent ici est de savoir si l'animal peut être humanisé au point d'être dressé pour n'attaquer qu'opportunément. Et si la réponse est affirmative, alors il faut déterminer dans quelle proportion et si tout le monde peut éduquer son chien à ne mordre qu' "utilement". Si l'ont parvient à des résultats impressionnants de "rationalisation des morsures" l'humanité pourra se vanter d'avoir étendu à une autre espèce la maîtrise de ses propres pulsions. Ce ne sera pas rien. Peut-être aura-t-elle recours à des manipulations génétiques pour ce faire, allez savoir.

 

L'anecdote m'en rappelle une autre qui montre aussi combien l'animal reflète et les prolonge des pensées et des conflits à l'oeuvre dans l'espace humain. En 2000, dans une région montagneuse du Kosovo, des soldats américains de la force de l'ONu (la KFOR) sont intervenus d'une manière musclée dans un village serbe avec des chiens (comme ils l'ont aussi beaucoup fait en Irak) pour procéder à des fouilles de caches d'armes. Les habitants du village sont parvenus à mettre en déroute leurs chiens grâce à leurs propres contingents canins, des grands chiens de bergers des montagnes, sans doute de la même stature que ceux qui existent dans les Pyrénées, qui parvinrent avec succès à effrayer les bergers allemands américains. L'anecdote avait été relatée par les médias serbes à l'époque. Si elle est vraie (mais à propos des Balkans il faut toujours se méfier des histoires inventées), voilà un cas singulier où l'animal est mobilisé pour mener une guerre que les humains, en vertus d'une résolution des Nations Unies, ne peuvent plus mener ouvertement. Peut-être y a-t-il d'autres précédents dans l'histoire. Il faudrait faire une recherche. Je songe aussi à une histoire de brave vache qui encouragée par une paysanne russe en Sibérie fit battre en retraite un loup, que raconte Sylvain Tesson dans son dernier livre. Les interactions entre espèces sont fascinantes.

 

 

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I
<br /> Effectivement, il se peut qu'il y ait une part de projection anthropomorphique, mais l'association animal humain/non humain peut supposer une relation de prolongement, de réciprocité, de<br /> complémentarité, ce qui implique une échelle graduelle de l'assimilation à la différenciation. La question des pulsions est ce qui nous renvoie communément à l'animalité et je suis presque<br /> convaincue qu'un éthologue pourrait nous apporter la preuve que certaines espèces animales ont une capacité de gestion de leurs pulsions, indépendamment d'un éventuel apprentissage qu'aurait pu<br /> leur dispenser l'homme. Une forme de répression sociale ou individuelle, nous sommes tous des animaux.<br />
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