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Saint Augustin dialogue avec les divinités païennes

9 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums, #Histoire secrète

A titre préliminaire, je précise que le présent article ne s'adresse pas aux esprits laïques mais à ceux qui sont convaincus de ce que des entités de l'au-delà parlent par les esprits inspirés et par les médiums.

Ceux-là admettront facilement que les dieux de l'Antiquité ont réellement parlé par les oracles, notamment à Delphes, sanctuaire auquel la revue Books consacrait un article en janvier dernier, et ne sont pas juste une "arnaque" ou une "hallucination collective", comme le supposent les esprits épais. La question n'étant pas de savoir si les dieux ont parlé, mais ce qu'étaient ces "dieux" devenus largement muets après la victoire du christianisme (les oracles se sont tus) ou parlant seulement de façon marginale dans l'alchimie, les hérésies du christianisme, ou la sorcellerie.

La Cité de Dieu de Saint-Augustin peut être lue comme un dernier regard (et quel regard !) du christianisme lettré (l'évêque d'Hippone étant un des derniers auteurs latins à aussi lire le Grec et avoir accès à beaucoup de classiques) sur l'Antiquité, avec notamment un procès extraordinaire de la République romaine et de ses crimes.

Par delà le style en apparence polémique, il s'agit d'un dialogue brillant avec les dieux du paganisme et leurs divers sous-produits dans la Cité des hommes, produits philosophiques, politiques etc.

Toute l'oeuvre réserve mille surprises mais je n'en examinerai qu'une seule, en page 135 du tome 3 (édition de poche).

Augustin y entame une discussion intérieure avec le néo-platonicien Porphyre, qu'il qualifie de "plus savant des philosophes, quoique le plus ardent des chrétiens", ce qui prouve bien qu'il ne s'agit pas de simple polémique.

Contrairement à ce que peuvent penser les esprits laïques de notre temps, notamment les universitaires "intellocentriques", il ne s'agit pas non plus d'un échange intellectuel comme il peut y en avoir entre philosophes athées, c'est à dire d'une confrontation des intelligences sur la base d'une rationalité coupée de Dieu ou des dieux. Il s'agit d'une confrontation entre deux destinataires de révélations surnaturelles incompatibles entre elles, le christianisme et le paganisme, dont ni l'un ni l'autre ne peuvent douter que la révélation dont l'interlocuteur/adversaire est bien une émanation de l'au-delà, la question étant "simplement" de savoir de quel au-delà il s'agit.

Au fondement de cette confrontation, nous dit Saint Augustin, il y a un passage du traité "Philosophie des Oracles" de Porphyre, dans lequel le philosophe examine de très près une prophétie adressée peut-on supposer à Delphes (Augustin ne précise pas où) à un païen qui voulait "retirer sa femme du christianisme". Dans cet oracle Apollon a parlé, et il a dit au pèlerin de laisser sa femme "célébrer, suivant de faux et d'abominables rites, les funérailles de ce Dieu mort (Apollon parle de Jésus), condamné par d'équitables juges, et livré publiquement au plus ignominieux des supplices".

Cela n'a l'air de rien, mais nous avons là le témoignage du point de vue "officiel" porté par Apollon - à travers la Pythie - sur Jésus-Christ. Ce n'est pas une spéculation de Porphyre, c'est une base factuelle, sur laquelle Porphyre et Augustin vont s'entendre pour travailler.

Le verdict des dieux antiques sur les dieux chrétiens ne s'arrête pas là, puisque ceux-ci toujours par la voix d'Apollon à l'occasion de cet oracle, allèrent jusqu'à affirmer que le vrai Dieu au dessus des Dieux n'est pas le Dieu des Chrétiens mais celui des Juifs : "Père souverain, les saints Hébreux dont il est la loi, l'honorent religieusement."

Augustin bien sûr devant cette aberration, a beau jeu de répondre que le Dieu des Juifs par la voix de ses prophètes a proscrit aux hommes de sacrifier à d'autres dieu que lui, ce qui est incompatible avec la Foi païenne d'un Porphyre. Augustin peut ainsi en conclure que le prétendu Apollon est en fait un démon facétieux et destructeur qui construit juste des sophismes pour égarer le coeur et l'intelligence de l'homme. Tout comme étaient, pour Augustin, inspirés par des démons menteurs ceux croyaient qu'on pouvait construire une vraie République (c'est à dire une République juste) sans l'inspiration du Dieu unique.

Il va trouver un autre exemple qui va lui permettre de disqualifier les oracles des dieux antiques en la personne d'une "canalisation" (diraient les médiums contemporains) d'Hécate (déesse lunaire depuis l'époque de Plutarque), mais l'on ne sait pas si c'est une "canalisation" quelconque ou si elle fut rendue dans un de ses sanctuaires officiels (ce qui peut-être lui donnerait plus de poids). Interrogée sur la divinité du Christ, Hécate répond que l'âme du Christ est celle du "plus religieux des hommes", qu' "après sa mort son âme, comme celle des autres justes, a été douée de l'immortalité, mais que c'est aux chrétiens une erreur de l'adorer". On notera que c'est là typiquement l'opinion de la théosophie sur Jésus, et celle que beaucoup de médiums aujourd'hui reçoivent par "canalisation" : Jésus était un homme merveilleux, très sage, religieux, et son âme est devenue éternelle comme celle de tous les grands hommes, c'est un "guide de lumière", comme Bouddha, qui vient nous aider, voilà tout, une âme plus avancée que d'autres, mais pas le Dieu unique ressuscité... Et même, pour Hécate, Jésus a commis une petite erreur : il n'a pas su connaître ou reconnaître Jupiter, et c'est pourquoi il a été crucifié. Dans sa magnanimité Jupiter l'a admis dans son ciel, car c'était un juste, et donc il ne faut pas le maudire, mais il ne faut pas non plus le vénérer car il n'est pas très haut dans la hiérarchie divine".

On comprend qu'Augustin s'exclame devant cet oracle : "Qui est assez insensé pour ne pas voir, ou que ces oracles sont des inventions de ce perfide et implacable ennemi des chrétiens (le diable) ou qu'ils ont été rendus à mêmes fins par des démons impurs ?". Pour l'évêque d'Hippone l'éloge du Dieu des Juifs contre celui des Chrétiens par Apollon, ou celui de l'humanité de Jésus au détriment de sa divinité par Hécate ne sont que des leurres pour désamorcer le potentiel révolutionnaire du christianisme en renvoyant ceux qu'il attire, soit vers le judaïsme, soit vers les hérésies (celle du culte du Christ homme par Photin évêque de Smyrne condamné en 301) et empêcher que se réalise l’œuvre de rédemption de l'humanité produite par la crucifixion du fils de Dieu.

On ne détaillera pas plus avant le reste de l'argumentation qu'Augustin déploie à l'encontre des conclusions que Porphyre tire de ces deux oracles, mais on retiendra juste qu'il y avait là un "point de vue" des dieux antiques sur le christianisme, exprimé moins par la voix d'un intellectuel (Porphyre) que par la voix canonique des oracles (même si on ne sait pas hélas s'il s'agissait d'oracles isolés de prêtresses ou de prêtres peu inspirés ou d'oracles "validés" par la présence de sanctuaires, encore qu'on puisse douter que le paganisme ait eu des instances de validation des oracles comme le catholicisme en a pour valider les apparitions et les miracles).

On remarquera que ces oracles sont d'une forme très différente du style sibyllin qui était en vogue avant le siècle de Périclès, au moment par exemple de la fondation des colonies phocéennes... Est-ce parce que des dieux (ou des démons) s'étaient substitués aux dieux d'origine, ou parce que Prophyre "élague" les messages et en appauvrit la complexité ou l'ambigüité ? On comprend en tout cas qu'Augustin ne perçoive dans ces deux "canalisations" que des facéties démoniaques. Si Apollon et Hécate ont tenu effectivement le langage que leur prêtait Porphyre (tel que rapporté par Augustin), on peut estimer effectivement que cela ne "volait pas bien haut", ni poétiquement, ni intellectuellement (car ce n'était cohérent avec rien de l'histoire même des notions que cela mobilisait - la religiosité des Juifs par exemple). C'était aussi facile à balayer par un intellectuel chrétien que le paganisme l'a été (en quelques siècles seulement) du Bassin méditerranéen.

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