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Articles avec #philosophie tag

Les rapports de genre à l'époque de Malebranche

15 Mai 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

andre.jpgJe lis un passage de l'Extrait de la vie du RP Malebranche par le P. André concernant les Entretiens sur la Métaphysique (in Malebranche, Œuvres complètes t XII.XIII eds Vrin 1984 p.XXI), qui fut écrit peu avant l'embastillement de son auteur en 1721 :

"M. Carré Louis (*), fils d'un laboureur, mais qui avait toutes les qualités qui peuvent remplacer la naissance, avait trouvé dans sa mauvaise fortune un asile chez l'auteur. Car son père, qui l'avait fait étudier dans la vue ordinaire à ces sortes de personnes, l'ayant abandonné parce qu'il ne voulait point se faire prêtre, il se vit réduit à chercher une condition. La Providence l'adressa au P. Malebranche qui le prit pour écrire sous lui. Il fit plus; voyant que son domestique avec un grand esprit avait encore un naturel admirable, il entreprit de le former à quelque chose de meilleur; il lui enseigna les mathématiques; il y ajouta la philosophie; en sorte qu'en peu d'années M. Carré fut en état de se passer de son maître en le devenant lui-même. Il le devint en effet; il montra les mathématiques en ville avec tant de succès, qu'il eut bientôt une foule d'élèves; mais ce qu'il y eut de plus particulier, c'est que plusieurs dames en voulurent être. Il les reçut; elles le goûtèrent; elles étaient surtout charmées de sa philosophie qui était celle du P. Malebranche, et qui, étant toute chrétienne, s'accordait parfaitement bien avec leur inclination naturelle pour la piété. En un mot, comme il soutenait par la pratique les grandes maximes qu'il leur enseignait, elles trouvaient en lui une espèce de directeur, d'où l'on peut juger qu'il trouvait en elles un fonds qui ne le laissait manquer de rien. Il semble qu'il avait tout lieu d'être content de sa fortune; il ne l'était cependant pas. Il lui manquait encore un bien dont le besoin ne touche guère le commun des hommes : c'était une occasion de marquer sa reconnaissance à son bienfaiteur; car il ne regardait pas comme un service le zèle qu'il témoignait pour sa philosophie, mais comme un devoir qu'il rendait à la vérité. Il fallait donc quelque chose de plus pour le satisfaire. Les Entretiens sur la mort que le P. Malebranche venait de finir au commencement de 1696 lui fournirent une occasion dont il profita. 

Depuis que M. Arnauld avait déclaré la guerre au Traité de la nature et de la grâce, l'auteur n'avait pu rien imprimer à Paris sur ces matières en privilège. Les violentes critiques de ce docteur véhément, soutenues des clameurs d'un parti accrédité, avaient répandu dans les esprits une terreur que la raison ne pouvait guérir; ceux qui présidaient à l'impression des livres en étaient eux- mêmes frappés. Le P. Malebranche n'était pas d'humeur à s'en mettre fort en peine; outre que les presses étrangères s'ofl'raient à lui de toutes parts, ses ouvrages n'en étaient ni moins lus en France ni moins également admirés. Mais ses amis étaient justement indignés de la stupide et opiniâtre prévention de quelques-uns de ses compatriotes contre le meilleur de leurs écrivains. M. Carré entreprit de la vaincre et il y réussit; il employa tout ce qu'il avait d'amis, d'élèves, de connaissances. On ne peut douter que les dames qui étaient ses disciples ne fussent les plus zélées à le servir."

Ce qui me surprend beaucoup dans ce récit du père Yves-Marie André, c'est l'insistance mise sur les disciples féminines de Louis Carré...Comme tout le monde je n'ignore pas le rôle des dames dans les salons au XVIIIe siècle, mais là cela va très loin - le pouvoir d'influence des femmes a l'air déterminant pour la diffusion d'une doctrine : on a presque l'impression que c'est grâce à elles que Malebranche finit par obtenir le privilège royal pour ses Entretiens sur la Métaphysique, en 1708.
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(*) Né le 26 juillet 1663 à Closfontaine , près de Nangis en Brie, mort le 11 avril 1711. Sur ses ouvrages, voir Nicéron, t. XIV.

 

 

 

 

 

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Les philosophes vus par Lucien de Samosate

2 Mars 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

Il y a dans "L'Histoire véritable" de Lucien, un récit imaginaire très intéressant d'une visite sur l'Ile des Bienheureux (le paradis des morts illustres en quelque sorte) une synthèse délicieuse sur les philosophes célèbres et les courants qu'ils ont fondés. On y trouve des clins d'oeil à tous les clichés littéraires que les hommes cultivés de l'époque (IIe après JC) devaient avoir en tête à propos de la philosophie.

 

"17. Je veux vous dire maintenant tous les grands hommes que j'y ai vus : d'abord, tous les demi-dieux et les héros qui ont porté les armes devant Troie, à l'exception d'Ajax de Locres : on prétend que c'est le seul qui soit châtié dans le séjour des impies ; puis, parmi les barbares, les deux Cyrus, le Scythe Anacharsis, le Thrace Zamolxis , l'Italien Numa, le Lacédémonien Lycurgue, les Athéniens Phocion, Tellus , et les Sept Sages, hormis Périandre. Je vis Socrate, fils de Sophronisque, babillant avec Nestor et Palamède : il avait autour de lui Hyacinthe de Lacédémone, Narcisse de Thespies, Hylas et plusieurs autres jolis garçons. Il me sembla qu'il était amoureux d'Hyacinthe ; tout au moins avait-il beaucoup d'apparences contre lui. Aussi dit-on que Rhadamanthe n'en est pas content, et qu'il l'a menacé à plusieurs reprises de le chasser de l'île s'il ne cessait son bavardage et ne quittait son ironie pendant le festin. Platon seul n'est point présent. Il habite, dit-on, sa ville imaginaire, usant de la république et des lois qu'il a écrites.

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18. A l'égard d'Aristippe et d'Épicure, on leur accorde les premiers honneurs, en raison de leur douceur, de leur grâce, de leur gaieté de bons convives. Là se rencontre encore Ésope le Phrygien: il sert de bouffon aux autres. Diogène de Sinope a tellement changé d'humeur, qu'il a épousé la courtisane Laïs, et que souvent, échauffé par l'ivresse, il se lève pour danser et fait toutes les folies qu'inspire le vin. On ne voit aucun stoïcien. On prétend qu'ils sont en train de gravir le sommet escarpé de la Vertu. Nous avons entendu dire que Chrysippe n'obtiendrait la permission d'entrer dans l'île que lorsqu'il aurait pris une quatrième dose d'ellébore. On dit que les. Académiciens ont l'intention de venir ; mais ils s'abstiennent encore et considèrent : ils n'ont pas la compréhension que cette île existe réellement ; d'ailleurs, ils redoutent, je crois, le juge ment de Rhadamanthe, eux qui rejettent toute espèce de Jugement. On assure que plusieurs d'entre eux ont pris leur élan pour suivre ceux qui venaient ici, mais que leur lenteur les empêche d'arriver, ou que, faute de compréhension, ils sont restés à mi-route et revenus sur leurs pas.

 

19. Tels étaient les plus illustres des assistants. Les plus grands honneurs sont accordés à Achille , puis à Thésée. Voici maintenant leur façon de penser sur le commerce et les plaisirs de l'amour. Ils se caressent devant témoins, aux yeux de tous, hommes ou femmes, et n'y voient aucun mal. Socrate seul attestait par serment que c'était sans arrière-pensée impure qu'il recherchait les jeunes gens ; mais tous l'accusaient de se parjurer. Souvent Hyacinthe et Narcisse convenaient du fait, Socrate le niait toujours. Toutes les femmes sont en commun, et nul n'y jalouse son voisin : ils sont en cela des Platoniciens accomplis ; les petits garçons accordent tant ce qu'on veut et ne refusent jamais.

 

20. Deux ou trois jours s'étaient à peine écoulés, que, rencontrant le poète Homère, et nous trouvant tous les deux de loisir, je lui demandai, entre autres choses, d'on il était, disant que c'était encore chez nous un grand objet de discussion. Il me répondit qu'il savait bien que les uns le croyaient de Chios, les autres de Smyrne, un grand nombre de Colophon ; mais que cependant il était babylonien, et que, chez ses concitoyens, il ne se nommait pas Homère, mais Tigrane, qu'ayant été envoyé en otage chez les Grecs, il avait alors changé de nom. Je lui fis quelques questions relatives aux vers retranchés de ses poèmes, s'il les avait réellement écrits. Il me répondit que tous étaient de lui. Je ne pus alors m'empêcher de blâmer les mauvaises plaisanteries des grammairiens Zénodote et Aristarque. Après qu'il eut satisfait ma curiosité sur ce point, je lui demandai pourquoi il avait commencé son poème par M°nin, colère ; il me répondit que cela lui était venu à l'esprit, sans qu'il y songeât. Je désirais aussi vivement savoir s'il avait composé l'Odyssée avant l'Iliade, comme beaucoup le prétendent. Il me dit que non. Quant à savoir s'il était aveugle, ainsi qu'on l'assure, je n'eus pas besoin de m'en enquérir : il avait les yeux parfaitement ouverts, et je pus m'en convaincre par moi-même. Souvent, en effet, je venais converser avec lui, quand je le voyais inoccupé ; je l'abordais, je lui faisais une question et il s'empressait d'y répondre, surtout depuis le procès qu'il avait gagné sur Thersite. Celui-ci lui avait intenté une accusation pour injures, parce qu'il s'était moqué de lui dans son poème ; mais Homère fut absous, défendu par Ulysse.

 

21. A peu près vers cette époque, arriva Pythagore de Samos, qui, après avoir subi sept métamorphoses, et vécu dans autant de corps différents, avait achevé lés périodes assignées à l'âme. Son côté droit était tout d'or. On le jugea digne d'être admis dans ce séjour fortuné, mais il y eut quelque incertitude sur le nom qu'il fallait lui donner, Pythagore ou Euphorbe. Empédocle vint aussi, le corps tout rôti et couvert de brûlures ; on ne voulut pas le recevoir, malgré ses supplications."

 

 

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"Vie d'Apollonios de Tyane" de Philostrate

12 Janvier 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

apolonios.jpgJe lis en ce moment la Vie d'Apollonios de Tyane, écrite par Philostrate vers 210 (mais Apollonios, lui, vécut à l'époque de Tibère et de Caligula).

Je crois que ce texte est important pour diverses raisons. Tout d'abord parce qu'il s'agit d'une vie de philosophe très semblable à la vie du Christ racontée par les Evangiles (et selon Grimal sans emprunt à celles-ci), qui d'ailleurs commence par la visitation (selon le terme consacré dans le langage religieux) d'un dieu à la mère du philosophe-prophète avant sa naissance.

Ensuite c'est intéressant parce que c'est la vie d'un philosophe pythagoricien : cette école étant quand même un peu le parent pauvre de la philosophie rationaliste nous en connaissons bien peu de choses. Il est très utile, je trouve (par delà la part d'invention fantaisiste que comprend nécessairement ce genre de récit) de trouver la philosophie de Pythagore incarnée dans un homme comme cet Apollonios, enfant de la bourgeoisie de Cappadoce, qui en respecta beaucoup de préceptes tout en en aménageant d'autres (sur le célibat par exemple).

Je crois que le pythagorisme est une doctrine féconde pour notre rapport contemporain à l'environnement, dans la mesure où elle prône le respect absolu de toute vie sur terre (et pour cette raison s'accompagne de prescriptions alimentaires et vestimentaires complexes). Il y a notamment dans le récite de Philostrate un moment extraordinaire où Apollonios accuse des propriétaires d'Asie Mineure d'avoir accaparé le blé produit par la "Terre mère" appartenant à tous, que les peuples andins contemporains, assoiffés aussi bien de respect de la nature que de justice sociale sous l'égide de la Pachamama ne renieraient certainement pas.

Je trouve très forte notamment la valorisation du silence chez ce philosophe, qui resta cinq ans au milieu des siens sans parler.

Enfin le récit est instructif parce qu'il rend compte d'un voyage d'Apollonios de Cappadoce jusqu'en Inde, et, de ce fait, s'intéresse aux spiritualités des peuples croisés sur le chemin : l'aptitude des Arabes à comprendre le langage des oiseaux (Apollonios lui-même comprend toutes les langues, comme les Apôtres), celle des Mèdes à lire dans les astres etc.

A propos des spiritualités orientales, j'apprends que dans un quartier d'Antioche que l'on appelait Daphné, on vénérait un laurier qu'on prenait pour l'héroïne du mythe changée en cette plante par Apollon (bien que le mythe situât la scène en Arcadie). Le sanctuaire y était d'ailleurs rempli de "gros beaufs" (dirait-on de nos jours) qui y allaient juste pour bavasser et prendre le frais sous les hauts cyprès (comme d'ailleurs dans la ville natale de Saint Paul, Tarse, où il était impossible de faire de la philosophie selon Apollonios car les gens ne s'y intéressaient qu'à la rigolade au bord de l'eau et à la qualité de leurs vêtements).

 

Le commentateur du livre note que le sanctuaire du laurier Daphné à Antioche participe d'un culte vivant rendu dans tout le Proche Orient à tous les arbres (et dont on a l'écho dans l'Arbre de Vie de la Génèse hébraïque). Ce culte de l'arbre proche-oriental est quelque chose que je connais mal hormis de vagues souvenirs de Mircea Eliade sur les arbres comme Axis mundi (mais je ne crois pas qu'il examinât la spécificité proche-orientale du phénomène).

 

Je ne suis encore qu'au début du récit, mais je trouve qu'il synthétise déjà beaucoup de choses sur la "spiritualité philosophique" de l'Orient romain du début de notre ère, sous un angle à la fois peu connu, et qui peut répondre à ds aspirations importantes de notre époque. A suivre...

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Contre les excès de la théorie des genres et du constructivisme

27 Décembre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

pinker.jpgContre les ayatollahs de la théorie des genres et du constructivisme qui se sentent pousser des ailes en ce moment, il faut quand même rappeler que si les représentations sociales (avec leur part d'arbitraire) influencent les comportements humains (qui pourrait le nier ?), la part d'héritage naturel a aussi son importance. Souvenez-vous des pages du neuro-psychologue Steven Pinker, dans Comment fonctionne l'esprit, publié aux USA en 1997 et en France en 2000, reproduites ci-dessous, contre les excès de ce qu'il appelait le "Modèle standard des sciences sociales", lequel imposait une séparation radicale entre nature et culture et portait dans ses présupposés le constructivisme qui fonde les dogmes de la théorie des genres. Il accusait ce modèle de vouloir museler le travail des biologistes et des chercheurs dissidents en sciences humaines (psychologues ou sociologues). Or Steven Pinker, disciple de Chomky, est tout le contraire d'un esprit obtus et conservateur. Il entendait par là mettre en garde contre la négation dogmatique des influences génétiques sur les comportements. Le débat sur la question a beaucoup avancé dans les milieux scientifiques dans les années 2000, notamment pour une unification possible des sciences naturelles et des sciences humaines. Mais à l'égard des idéologues dans l'espace public, la mise en garde reste tout à fait d'actualité...

 

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Le platonisme de Marsile Ficin

21 Décembre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Pythagore-Isis

leornardo.jpgDans mon ouvrage sur la nudité (je pourrais parler d'autres livres que j'ai écrits, mais celui-ci est populaire et évoque de nombreuses problématiques, alors pourquoi ne pas continuer là-dessus ?), je mentionne, à propos de la "nudité-affirmation", l'importance du néo-platonisme du XVe siècle, en m'appuyant sur François Jullien.

 

Mais on assume toujours trop facilement comme une évidence que la Renaissance italienne (par exemple Léornard de Vinci) fut néo-platonicienne, et il est toujours bon de se plonger dans le détail des choses. Je recommande à ce sujet la lecture du grand classique d'André Chastel de 1954 "Marsile Ficin et l'art", qui présente l'histoire de l'Académie néo-platonicienne de Careggi à Florence et de son fondateur. Bien sûr il est toujours facile de rattacher le mouvement des idées à de grands phénomènes sociaux, comme le platonisme italien à la migration des érudits byzantins à l'approche de la chute de leur ville, mais ce qu'il advint réellement dépend de l'histoire des individus qui laisse toujours une part aux aleas. Celle de Marsile Ficin conduisit à la création d'un aimable groupe de pensée retiré dans un magnifique jardin de Florence, où les gens devinrent des maniaques de Platon, au point de se référer tout le temps à lui, et de fêter systématiquement les anniversaires (conventionnels) de sa naissance, le 7 novembre (comme dans l'Antiquité les épicuriens fêtaient aussi celui de leur maître dans leur jardins). Ce faisant, et en s'inspirant des maîtres du platonisme tardif (Plotin, Porphyre etc), remaniés aux goûts italiens de l'époque, ils inventèrent un platonisme nouveau, plus ouvert aux arts, à la création, qui allait se diffuser largement dans l'intelligentsia artistique italienne.

 

J'avoue que j'ai beaucoup aimé ce platonisme délicat de Marsile Ficin que je ne connaissais guère. Moins pour sa volonté de "purifier l'âme" pour la faire accéder au monde des essences éternelles, que pour sa relative ouverture aussi au monde "d'en bas" en quelque sorte, et à sa volonté de saisir à travers la création, l'inspiration du génie créateur de l'artiste qui reproduit celle du Démiurge ou de Dieu, la profonde unité de l'univers, à laquelle initient l'alchimie, le jeu des analogies (dont on parlait précédemment sur ce blog à propos de la magie égyptienne), l'étude de la poésie antique, la réconciliation du christianisme et du paganisme, l'intérêt pour les hiéroglyphes égyptiens et l'astrologie des Mèdes etc...

 

Ce sentiment de l'unité de l'univers pensé à travers une métaphysique de la lumière, et de la similitude (classique depuis Aristote) entre le microcosme humain et le macrocosme universel ou terrestre (avec des images amusantes comme l'idée que l'herbe ce sont les poils de la Terre !) est certes purement imaginaire, mais c'est une source d'optimisme créatif et de sérénité, d'autant qu'il se construit à équidistance et au dessus de la débauche comme de la recherche du pouvoir social (la réussite professionnelle, l'engagement politique etc), avec une forte valorisation de la contemplation, des rêves nocturnes (ce qui me paraît très important et qui disparaît aujourd'hui de nos horizons à mesure que s'efface la psychanalyse) etc.

 

C'est parce qu'il y a eu Marsile Ficin à Florence, et sa façon très spécifique d'ouvrir le platonisme à l'art, attirant à lui une bonne partie de ce que Florence (mais aussi ensuite par capillarité le reste de l'Italie) comptait de théoriciens de la création, de grands peintres et de sculpteurs, que nous avons eu ensuite les Vénus de Botticelli (avant la conversion de Botticelli et d'ailleur d'une partie des disciples de Ficin à l'obscurantisme de Savonarole) ou la Joconde de Vinci, les Vénus de Botticelli étant, rappelons le au passage, des allégories de la connaissance pure platonicienne réunissant idéal artistique et élévation de la matière à une forme mathématique. Bien sûr la doctrine philosophique n'est jamais reçue dans sa pureté, elle connaît des mutations dans le langage philosophes (par exemple quand Pic de la Mirandole reformule l'héritage de Ficin) ou dans le langage mondain (quand la recherche de la Vénus céleste et de la connaissance pure se cristallise sur la vénération de femmes réelles). Mais la caution philosophique de la théorie initiale fonctionne toujours comme un point d'appui de légitimation du geste artistique, qui oriente ses partis pris (par exemple les thèmes qu'il choisit d'illustrer) et détermine sa place dans l'ordre social, l'artiste pouvant devenir, grâce au néo-platonisme de l'Académie de Careggi, un médiateur de la puissance divine, et un recréateur de l'unité du monde à l'instar du philosophe, ce qui n'est tout de même pas rien !

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Le transhumanisme n'est pas seulement libertarien

24 Octobre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

transhumanism.jpgJ'ai souvent regretté que la réflexion sur les technologies aujourd'hui soit accaparée par les transhumanistes, tandis que leurs opposants s'enferment dans une position conservatrice de refus des technologies, dont l'histoire des deux derniers siècles a montré qu'elles ne tenaient jamais la route face aux aspirations profondes des gens.

 

L'avantage des transhumanistes dans l'anticipation de ce que peuvent devenir nos technologies est indéniable et l'on aurait tort de le caricaturer. De ce point de vue j'ai trouvé le documentaire d'Arte "Un monde sans humains" hier soir un peu simpliste car, en donannt beaucoup la parole à des psychologues et philosophe sfrançais qui lui sont hostiles, il donnait le sentiment que ce mouvement était nécessairement libertarien, partisan de la réalition individuelle de soi au détriment des autres etc.

 

Or certes il y a beaucoup des dimensions qui nous inquiètent dans certaines tendances du transhumanisme. Par exemple le risque de dérive sectaire dans des mouvements comme Terasem fondée par la milliardaire Martine Rothblath (on trouve ici un texte intéressant sur son association, son soutien à Obama en 2008 etc, voir aussi son blog). Il trouve des intersections ausis avec d'autres religions comme les mormons (un mouvement transhumaniste mormon existe) dans la mesure où l'Ecole des Saints des Derniers Jours valorise le savoir, la progression indéfinie de son être ici-bas et dans l'au-delà (ainsi que la progession de Dieu) - encore que je ne sois pas du tout convaincu que le mormonisme soit nécessairement ultralibéral (toute religion a plusieurs tendances et écoles d'interprétation).

 

Mais le transhumanisme est sans doute plus divers que cela. On trouvait sur le Net américain (moins aujourd'hui il est vrai) au début des années 2000 des blogs transhumanistes socialistes. L' "anarcho-transhimanisme" se réclame de Noam Chomsky. Le sociologue James Hugues, bouddhiste de conviction (il a même été moine de cette religion - et l'on connaît les affinités possibles de cette religion avec le socialisme, du Dalaï Lama à feu le roi Norodom Sihanouk), défend un transhumanisme "démocratique", dans l'esprit de la "troisième voie" (de centre-gauche) qu'on connaît bien dans le domaine des sciences cognitives autour de Steven Pinker par exemple

 

On peut difficilement parler d'une école de pensée sans en aborder les diverses nuances...

 

 

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Un chien abattu à la gare du Nord hier

11 Mai 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

Hier, alors que deux policiers se livraient au contrôle d'un vigile gare du Nord à Paris, au niveau du quai 41, le chien de ce dernier s'est jeté sur l'un d'entre eux, puis semble-t-il sur le second, et, comme celui-ci tentait de tirer sur l'animal, après la première détonation le chien prit l'escalier, continuant de mordre des gens au passage, puis à l'étage il menaça à nouveau un agent de police (une femme) qui dégaina son arme de service et le tua.

 

L'incident a provoqué un certain nombre de commentaires, notamment dans les pages Internet du journal conservateur  Le Figaro. Dans les conflits de voisinage autour d'un arbre mal placé qui voue à l'ombre éternelle (à la vermine, aux feuilles mortes etc) la maison située à proximité, des débats féroces opposent les tenants des droits de la végétation à ceux du droit des êtres humains à vivre sans nuisances. De la même manière les amis des animaux se sont cette fois-ci opposés aux amis des enfants et des passants sans défense (ainsi qu'aux amis de la force publique, bizarrement suspectée ici d'avoir fait du zèle alors qu'elle a semble-t-il plutôt fait preuve de retenue, se laissant abondamment mordre avant d'abattre le contrevenant quadrupède). Un vague consensus sous-tend cependant cette opposition acerbe : le fait que beaucoup de vigiles (souvent de pauvres gens qui habitent des banlieues lointaines) éduquent mal leur chien, les violentent à outrance, et leur inculquent ainsi une agressivité disproportionnée. Certains suspectent même le vigile d'avoir volontairement lâché son chien contre les policiers, "parce qu'il avait quelque chose à se reprocher".

 

Nous voici encore dans un cas de figure où le domaine des animaux domestiques porte les fantasmes (les espoirs, les culpabilités) que l'humanité projète sur eux, et parfois prend le relais pour le meilleur et pour le pire de ce que l'humain ne peut plus faire. Dans une humanité où l'instinct de meurtre a sensiblement diminué au cours des siècles (ou du moins dont le passage à l'acte s'est atténué, y compris dans le cadre des guerres - je vous renvoie là dessus au dernier livre de Steven Pinker), la question du degré de tolérance à l'égard de la violence des animaux, aussi bien que de la violence exercée sur eux, prend une tournure nouvelle. Une des questions qui se posent ici est de savoir si l'animal peut être humanisé au point d'être dressé pour n'attaquer qu'opportunément. Et si la réponse est affirmative, alors il faut déterminer dans quelle proportion et si tout le monde peut éduquer son chien à ne mordre qu' "utilement". Si l'ont parvient à des résultats impressionnants de "rationalisation des morsures" l'humanité pourra se vanter d'avoir étendu à une autre espèce la maîtrise de ses propres pulsions. Ce ne sera pas rien. Peut-être aura-t-elle recours à des manipulations génétiques pour ce faire, allez savoir.

 

L'anecdote m'en rappelle une autre qui montre aussi combien l'animal reflète et les prolonge des pensées et des conflits à l'oeuvre dans l'espace humain. En 2000, dans une région montagneuse du Kosovo, des soldats américains de la force de l'ONu (la KFOR) sont intervenus d'une manière musclée dans un village serbe avec des chiens (comme ils l'ont aussi beaucoup fait en Irak) pour procéder à des fouilles de caches d'armes. Les habitants du village sont parvenus à mettre en déroute leurs chiens grâce à leurs propres contingents canins, des grands chiens de bergers des montagnes, sans doute de la même stature que ceux qui existent dans les Pyrénées, qui parvinrent avec succès à effrayer les bergers allemands américains. L'anecdote avait été relatée par les médias serbes à l'époque. Si elle est vraie (mais à propos des Balkans il faut toujours se méfier des histoires inventées), voilà un cas singulier où l'animal est mobilisé pour mener une guerre que les humains, en vertus d'une résolution des Nations Unies, ne peuvent plus mener ouvertement. Peut-être y a-t-il d'autres précédents dans l'histoire. Il faudrait faire une recherche. Je songe aussi à une histoire de brave vache qui encouragée par une paysanne russe en Sibérie fit battre en retraite un loup, que raconte Sylvain Tesson dans son dernier livre. Les interactions entre espèces sont fascinantes.

 

 

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"Génie du christianisme" de Châteaubriand

31 Octobre 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

chateaubriand.jpgMalgré ma formation de sociologue, je ne suis pas un intégriste des sciences humaines, loin s'en faut. Je suis même particulièrement sensible aux biais que celles-ci apportent à la pensée et à tout ce qui, dans l'esprit d'une époque, influence leur rhétorique. Un livre comme le petit Dialogue sur les aléas de l’histoire que j’ai fait paraître il y a quelques années par exemple est aux antipodes de la démarche des sciences humaines, et je tiens à garder dans mon travail une telle pluralité d’approches.

Un des moyens de s’affranchir de certaines rigidités des sciences humaines et de l’esprit d’une époque qu’elles véhiculent peut être de lire les classiques, et de les lire sans naïveté, c’est-à-dire en gardant une distance à l’égard de leurs partis pris (et de ceux de leur propre époque), une distance qui évite l’adhésion niaise, mais qui ne doit pas non plus être d’emblée hostile (sans quoi il n’y aura pas d’échange possible avec l’auteur dont on aborde la lecture). Je recommanderais particulièrement la lecture d’écrivains oubliés – comme par exemple Romain Rolland, qui fut quand même un de nos plus éminents prix Nobel – mais aussi de ceux qu’un ou deux siècles de modes successives ont condamnés à nos yeux et que l’on gagne à considérer avec un regard neuf à titre de pur exercice de « nettoyage intellectuel », pour se défaire en quelque manière des automatismes un peu convenus que l’opinion des générations récentes ont imprimé dans notre esprit. Parmi ces auteurs je citerais Châteaubriand, auquel je suis revenu par hasard il y a peu, à l’occasion d’une petite insomnie.

Le livre Le génie du christianisme est une œuvre dans laquelle notre époque peut très difficilement a priori trouver matière à penser. Nous n’avons semble-t-il rien à trouver chez cet écrivain qui fut un des pères de la restauration catholique et monarchique en France au XIXe siècle, rien de commun avec son monde où l’on traite les Indiens d’Amérique comme des sauvages, où l’on se complaît à verser les larmes « les plus pures » sur des gestes héroïques, où il faut à tout prix défendre le rôle de la religion, et des institutions anciennes. Et l’on se doute bien que le plaidoyer qu’il va développer en ce sens n’aura rien d’ « objectif » ni rien de convaincant pour qui ne partage pas les prémisses de sa démarche. Hé bien c’est précisément parce que ce point de vue là nous est inaccessible, qu’il nous faut aller le chercher et prendre la peine de l’explorer par delà les premières difficultés.

Je trouve personnellement deux points forts à ce livre. Le premier est qu’il nous fait réfléchir à la singularité de ce sentiment inventé par le christianisme que l’on appelle « la charité » et qui est une façon très particulière de traiter l’autre. Châteaubriand, qui écrit à un moment où les entreprises de conversion de la France (et donc du monde) à l’athéisme, sont très vivaces, connaît parfaitement toute l’ironie dont on a accablé ce sentiment. Il n’en juge pas moins possible d’en conduire la « réhabilitation » si l’on peut dire, en tentant de comprendre ce que serait l’humanité si ce sentiment n’avait pas été apporté par le christianisme.

Pour l’auteur du Génie du Christianisme, sans la charité chrétienne (et les institutions comme les monastères, les hôpitaux etc qui en garantirent la possibilité) non seulement l’empire romain eut sombré dans la barbarie intérieure (celle qui faisait massacrer des milliers d’hommes et de femmes dans les arènes par exemple) et eût été incapable de préserver son héritage artistique, mais encore il eût été finalement submergé par des tribus germaniques elles-mêmes beaucoup plus violentes qu’elles ne l’ont souvent été grâce à la modération du christianisme (car selon Châteaubriand, les Goths notamment eussent été incapables d’instaurer des royaumes stables s’ils n’avaient été initiés aux valeurs chrétiennes). Cette charité encore aurait aussi selon Châteaubriand joué un rôle positif car modérateur dans les entreprises coloniales des Européens, en prenant en charge par exemple la détresse de beaucoup d’esclaves, tout en offrant aux peuples colonisés des chances de s’élever à une certaine hauteur morale (Châteaubriand va même jusqu’à voir un bienfait du christianisme dans l’apparition de l’Islam, qu’il considère comme une rejeton de la foi catholique, une vision qui, à ma connaissance, n’était pas si répandue dans l’esprit de son époque).

Décortiquons sous un regard critique toutes ces affirmations. Bien sûr les historiens depuis trois ou quatre générations nous ont appris à ne pas croire un mot de la « barbarie polythéiste » ni celle des Romains, ni celle des Germains, encore moins celle des peuples colonisés par les Européens à partir du XVe siècle. Et c’est pour cela d’ailleurs que l’on a demandé à l’Eglise de faire acte de « repentance » pour sa part dans la légitimation du colonialisme et l’accomplissement de ses crimes. Châteaubriand même s’il vit à une époque où le colonialisme a plus de légitimité qu’aujourd’hui n’ignore pas qu’on peut avoir un regard « positif » sur le polythéisme sur le polythéisme romain (il écrit d’ailleurs explicitement en réaction contre les révolutionnaires français qui ont fait de l’ancienne Rome leur modèle) et peut deviner que la réhabilitation de la vieille civilisation latine contre sa conversion a christianisme peut aussi s’appliquer aux peuples colonisés : en revalorisant leur histoire on peut aisément, comme pour Rome, montrer que le christianisme, en tant qu’il a détruit leur culture, leur a fait autant de mal que l’empire romain.

Mais pour sa défense du christianisme, Châteaubriand raisonne autrement que nous ne le ferions spontanément. Il raisonne à partir de l’individu, et, dans cette mesure, se montre peut-être plus philosophe que sociologue ou qu’historien au sens contemporain du mot, plus proche de Platon que de Braudel. Il reprend à la lettre un mot de Voltaire qui dit que le stoïcisme n’a produit qu’un Epictète quand le christianisme en a engendré des milliers qui n’étaient même pas conscients de leur vertu. Le christianisme a éveillé un certain nombre d’individus à une dimension supérieure de leur rapport à eux-mêmes et à autrui (la charité) et ces individus ont fait de même autour d’eux, élevant dans ce mouvement l’ensemble de l’humanité, ou du moins, l’empêchant de tomber extrêmement bas (Châteaubriand va même très loin en estimant que sans la conversion de Rome au christianisme, l’humanité n’aurait plus été peuplée, au bout de quelques siècles que par quelques individus misérables – laissant d’ailleurs de côté la question de la dynamique démographique des autres continents, comme si le polythéisme chez eux aussi avait entraîné un irrémédiable déclin de l’espèce, mais Châteaubriand ne prend pas la peine de se demander pourquoi).

C’est à cette valorisation du rôle des conversions individuelles que sert l’évocation abondante par l’auteur des cas de missionnaires qui par des actions héroïques, en Amérique, en Afrique, en Asie, ont adouci l’impact de la violence coloniale, mais aussi, par leur exemple même, livrant leurs corps aux haches et aux flèches, ont ouvert aux peuples de ces continents un chemin, la possibilité de s’élever moralement comme eux-mêmes l’ont fait.

Bien sûr je ne crois pas du tout qu’on puisse suivre Châteaubriand dans toute sa démonstration, dans la mesure notamment où il existe une morale immanente commune à toute l’humanité, athée, polythéiste, monothéiste (je renvoie là-dessus aux mentions de Dawkins dans « Pour en finir avec Dieu ») qui relativise l’apport chrétien en la matière. Mais il est vrai que le relativisme qu’on peut opposer à Châteaubriand a lui-même ses limites, et qu’un philosophe notamment ne peut pas être insensible à cette idée forte que le christianisme a produit des stoïciens qui s’ignoraient dont le rôle dans les progrès moraux de l’humanité ont pu s’avérer tout à fait considérables. Pour désenclaver Châteaubriand de l’occidentalocentrisme de son époque, on pourrait même dire que toutes sortes de courants religieux ou philosophiques dans beaucoup de sociétés ont élevé l’humanité (le bouddhisme, le soufisme, parfois certaines spiritualités dans des univers polythéistes particuliers) autour d’eux (en petit nombre ou massivement), et que l’apport de ces mouvements ne peut pas être minoré dans un scepticisme général (d’ailleurs souvent teinté d’un hédonisme plus ou moins assumé). Comment valoriser à juste proportion l’apport de ces courants (et notamment celui du christianisme qui a eu finalement une plus grande influence politique et économique que tous les autres dans la séquence allant du XVe au XXe siècle) sans naïveté et sans négliger leurs effets négatifs par ailleurs voilà une grande et difficile question. Beaucoup d’exemples que cite Châteaubriand ne sont pas anecdotiques et invitent à une très longue réflexion. Je pense ici au traitement de l’enfance. Peut-être instruit par Rousseau, Châteaubriand cite deux ou trois fois des cas de maltraitance (et c’est un euphémisme) des enfants. Il rappelle avec quelle cruauté l’enfance à Rome pouvait être exploitée, et humiliée et tout ce que les orphelinats chrétiens ont pu apporter à la vision-même de cette humanité en devenir. Même chose pour les femmes miséreuses vouées à louer leur sexe pour survivre et quelle dignité leur rendait (et par là même rendait à l’ensemble de leur genre) les institutions chrétiennes qui leur ouvraient leurs portes, les transformant ensuite éventuellement en bonnes sœurs qui à leur tour pouvaient prendre soin des miséreux et des malades et distribuer de la dignité autour d’eux… Un phénomène important quand on songe à la recrudescence actuelle de la prostitution dans un monde où l’inégalité économique bat tous les records.

Bien sûr le rationalisme répliquera que tous ces bienfaits ont eu leur revers car, tout en comblant de « dignité » les individus, la religion les asservissait à des dogmes qui ensuite limitait leur potentiel de développement intellectuel et spirituel, et qu’en ce sens il est heureux que des événements comme la Révolution française aient malmené les institutions chrétiennes pour ouvrir la voie à une possible moralité agnostique ou athée plus féconde qu’une moralité adossée à des dogmes. Encore une fois mon propos n’est pas de suivre Châteaubriand dans toutes les conséquences réactionnaires de sa démonstrations, mais seulement de souligner combien son récit permet de « revisiter » des problématiques avec un regard neuf, et sans aucun doute la problématique de l’apport du catholicisme au regard de ce qu’il l’avait précédé est tout à fait capitale pour la compréhension de l’histoire de notre espèce.

Le second intérêt du livre de Châteaubriand, plus ponctuel, moins universel, mais tout de même appréciable est de nous replonger dans l’expérience maintenant oubliée dans notre pays, de la conquête de l’Amérique du Nord par la France. L’auteur qui s’est personnellement frotté au mode de vie de ses compatriotes du Québec et de Louisiane, résume en outre (ou parfois recopie) des passages d’historiens jésuites qui restituent des moments intéressants de cette expérience collective à laquelle la vente de nos possessions nord-américaines a mis fin. On apprend notamment avec amusement que les Hurons, alliés des Français, pouvaient être considérés comme des « athéniens », les Iroquois, alliés des Anglais, comme des « spartiates », le genre d’assertion qui en dit sans doute davantage sur la formation académique de l’auteur que sur la réalité des peuples, mais qui n’est peut-être pas malgré tout à cent pour cent dépourvue de pertinence.

CC


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